« Penser par soi-même »

Laïcité ouverte ou fermée


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Depuis la Révolution tranquille et son ouverture sur le monde, le Québec a accueilli une multitude d’immigrants, appartenant pour beaucoup à des groupes ethniques qu’on qualifie ici de minorités visibles, venant d’un vaste éventail de pays, affichant différentes cultures et pratiquant plusieurs religions. Cette immigration, maintenant essentielle au développement économique et démographique des pays occidentaux, entraîne une diversification culturelle qui pose cependant des enjeux de taille, la conciliation de gens venant d’horizons différents et affichant des valeurs différentes représentant l’un des grands défis des sociétés occidentales en ce début du XXIe siècle. La montée du multiculturalisme affecte tout particulièrement le Canada, pays qui présente l’un des plus hauts taux d’immigration au monde.

La position du Québec, dans ce cas-ci, est particulièrement intéressante. Dernier véritable bastion de la francophonie en Amérique du Nord, le Québec a toujours vu depuis la conquête, sa culture menacée. Cette situation fait en sorte que le peuple québécois est probablement plus qu’ailleurs enclin à s’élever contre les éléments susceptibles de menacer cette dite culture. L’immigration, malgré tout le bien qu’on en dit, fait certainement parti de ces menaces, et combiné aux préjugés généralement véhiculés sur certaines cultures ou certains groupes raciaux, à la paranoïa qu’engendre le phénomène du terrorisme et au traitement parfois sensationnaliste qu’accordent les médias aux différents accrochages avec les groupes ethniques, notamment par rapport à la religion, ne peut qu’entraîner un élan, ou du moins la possibilité accrue d’un élan, de xénophobie au Québec. Face à cette situation, le Québec doit lui aussi, et peut être même plus, trouver des solutions aux différents conflits qu’engendrent la cohabitation de différentes cultures et mentalités, notamment au niveau de la religion et de ses manifestations dans l’espace public, donc, pour employer un terme de plus en plus à la mode ces dernières années, d’accommodements raisonnables. Cette problématique se pose ces jours-ci sous le voile du niqab. Le but de cet article n’étant pas ici d’expliquer cet évènement d’actualité, ce rôle incombant aux médias qui l’ont déjà alors plus qu’assez honoré de leur présentation, je référerai avec une pointe de déception, le lecteur qui n’a pas connaissance de ce dont je parle, aux bulletins d’information qu’il n’a probablement pas pris la peine de regarder, et aux journaux qu’il n’a certainement pas cru bon d’ouvrir. Pour revenir au sujet principal, cette controverse au sujet du niqab, bien que n’étant en partie qu’une fabrication des médias par la généralisation d’un cas isolé, nous permet cependant de nous attarder sur un problème qui se doit d’être réglé de la manière la plus efficace possible dans la sphère publique québécoise, la laïcité.

À la base laïcité a comme définition originelle telle qu’elle a été développée au cours de l’antiquité, des lumières et de la Révolution française, la séparation des pouvoirs de l’Église et de l’État, l’État n’ayant pas de pouvoirs religieux et l’Église de pouvoirs politiques, cette séparation visant à garantir l’égalité entre les croyances et entre les croyances et non-croyances, dans le but de garantir la liberté de conscience, principe fondateur d’un État laïque. Cette liberté de conscience vise à permettre à chacun d’adopter les croyances, religieuses ou non, qui lui conviennent sans que l’État, comme il le faisait lors des régimes monarchistes, n’ait à intervenir. Cependant, le concept de laïcité ouvre plusieurs avenues. En France, où on semble de plus en plus s’orienter vers une sorte d’athéisme d’état, la laïcité est appliquée de manière à ce que l’état garantisse une absolue neutralité, le civil ayant prééminence sur le religieux. Dans les écoles publiques et chez les employés de l’État, le signe religieux ostensible et le comportement religieux évident sont interdits. Cette conception est cependant marquée par l’histoire même de la France, où la laïcité, à son origine, a pris l’aspect d’une croisade menée par les révolutionnaires athées contre l’institution religieuse même. Aux États-Unis, la laïcité reconnaît l’égalité des religions, même si le paysage politique américain est fortement teinté de Christianisme, tandis qu’en Turquie, l’État semble reconnaitre la diversité religieuse tout en faisant de l’islam sa religion d’État. La question se pose? Doit-on s’orienter vers une laïcité fermée comme en France, qui proscrit les signes religieux aux employés de son État ou doit-on la définir comme ouverte, permettant le port d’objets religieux aux employés de l’État?

À mon sens, et allant en accord avec la récente loi sur la laïcité ouverte votée par le gouvernement Charest, dans une société qui se veut ouverte et libre comme celle du Québec, l’option de la laïcité ouverte semble beaucoup plus appropriée, conférant une plus grande liberté par rapport à l’affirmation de ses croyances. La commission Bouchard-Taylor, formée pour enquêter sur la question des accommodements raisonnables, semble abonder en ce sens, sauf en ce qui a trait aux employés du secteur judiciaire, comme les policiers ou les juges. Cependant, si ces derniers se contentent d’appliquer la loi, le signe religieux, qu’il le porte ou non, n’a aucune incidence dans leur jugement, il faut selon moi séparer la fonction areligieuse de l’individu religieux, un employé du secteur judiciaire exerce une fonction et est encadré dans son jugement par la loi, il n’a qu’à la faire appliquer et non à professer une opinion. Tant que le port d’un signe religieux n’entre pas en contradiction avec une loi déjà émise ou n’empêche de manière excessive le bon fonctionnement du milieu dans lequel la personne qui le porte évolue, ce dernier devrait être accordé. De l’autre côté, il semble également préférable que les signes religieux soient retirés des espaces publics, car ils témoignent de l’imposition d’une croyance de la part de l’État, qui doit en principe se séparer de l’aspect religieux et se montrer neutre. Les seules exceptions pouvant êtres tolérées seraient, à mon sens du moins, les signes ayant été clairement définis comme faisant parti du patrimoine québécois. Mais en regard de tout cela, le plus important n’est pas la position que le gouvernement a adoptée, mais le fait qu’il l’applique de manière claire et précise, et qu’on la fasse savoir aux immigrants avant que ceux-ci ne décident de s’engager dans l’aventure qu’est la vie en sol québécois.

Commentaires

Nicholas Choinière le 06/04/2010 Ă  19h06

Excellent texte, très juste et à propos. Si je peux me permettre une question liée à ta dernière partie, comment proposerais-tu de faire pour les réfugiés? Je m'explique : bien que les réfugiés soient minoritaires parmi les immigrants que reçoit le Québec, nous recevons chaque année des vagues de gens qui ont dû fuir leur pays à la hâte et se sont tout simplement dirigés vers un pays plus sécuritaire. Ces mêmes personnes n'ont pas nécessairement eu le temps de s'informer, sans compter qu'être un réfugié n'est jamais vraiment dans les plans de quelqu'un! N'est-il pas irréaliste de vouloir " [faire¸] savoir aux immigrants avant que ceux-ci ne décident de s’engager dans l’aventure qu’est la vie en sol québécois" que le modèle ici est de laïcité ouverte? De plus, je suis d'avis que les personnes qui choisissent de venir au Québec ne choisissent pas autant le Québec qu'ils ne choisissent une province francophone au Canada. Soit, les immigrants potentiels doivent répondre à certains critères uniques au Québec pour venir ici. Toutefois, je crois qu'il faudrait vraiment que cette "explication" de la laïcité ouverte soit reprise apriori par le gouvernement fédéral. J'ai bien hâte de savoir ce que vous en pensez!

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